Adopté en 2007, à la veille des élections municipales, le précédent PLH, qui couvrait les années 2008-2013, avait été élaboré en plein crise immobilière. Les années 2000 avaient en effet été marquées par une très forte augmentation des prix qui avaient pratiquement doublé entre 2000 et 2007. La situation du logement social s'était aussi brutalement tendu et en 2007 près de 5000 demandes de logements sociaux étaient en attente dans l’agglomération. Dans le même temps, une partie de plus en plus importante du parc immobilier restait vacante, puisque les services fiscaux recensaient en 2007 dans l’agglomération 1675 logements inoccupés sur une durée suffisamment importante pour que leurs propriétaires ne soient plus assujettis à la taxe d’habitation.

Le PLH 2008-2013 s’était donné pour but d’enrayer cette dégradation en construisant 1250 logements par an, soit 7500 sur 6 ans, un niveau de production absolument nécessaire, non seulement pour détendre un petit peu la situation, mais aussi et surtout pour faire face à la croissance prévisible de la demande. L’agglomération disposait en effet d’une population dynamique, qui était passée de 106 682 habitants en 1990 à 115 256 habitants en 1999, soit une augmentation de 8 % de la population pour la seule décennie 1990. Surtout, elle devait faire face aux nouveaux besoins provoqués par « la décohabitation », autrement dit par la diminution de la taille moyenne des ménages liée aux transformations des structures familiales. Ces évolutions ont en effet des conséquentes extrêmement importantes sur la demande de logement : à population constante, les services de Chambéry métropole ont ainsi pu calculer qu’il était nécessaire de disposer de 500 logements supplémentaires par an pour faire face à la seule demande engendrée par les transformations des structures familiales.

Six années après l’adoption du PLH 2008-2013, force est toutefois de constater que les objectifs définis n’ont pas du tout été tenus. Même si le PLH ne s’achèvera que le 31 décembre 2013, les données déjà publiées par Chambéry métropole montrent que le bilan est particulièrement mauvais. D’ores et déjà, on peut estimer que les objectifs ne seront au mieux accomplis qu’aux deux tiers, puisqu'il est vraisemblable que moins de 5000 logements auront été finalement construits entre 2008 et 2013. Le déficit est donc d'au moins 2500 logements, ce qui est d’autant plus considérable qu’une part importante de ces 5000 constructions l’a été dans le cadre des opérations ANRU de construction/démolition et n’a donc pas contribué à augmenter l’offre globale de logements dans l’agglomération.

Ce bilan désastreux résulte bien évidemment des politiques d’austérité, initiées par Sarkozy et renforcées par Hollande, mais est aussi la conséquence des programmes ANRU qui ont englouti ces dernières années la quasi-totalité des crédits disponibles pour la politique du logement. Quand on sait que les seules opérations ANRU de Chambéry-le-Haut ont mobilisé la somme considérable de 180 millions d’euros, on comprend que les collectivités et l’Etat se soient trouvés dans l’incapacité de financer de nouveaux programmes de construction. Il faut le répéter : démolir ou construire, il faut choisir !

Cette politique de non construction a eu des conséquences lourdes et tous les indicateurs sont passés au rouge dans l’agglomération chambérienne. En l’absence de programmes suffisants de constructions, le nombre de demandes non satisfaites dans le parc locatif social y a encore augmenté ces dernières années, pour franchir le seuil des 5000 demandes en attente. La situation est d’ailleurs certainement plus grave que ces chiffres ne le donnent à penser, car nombre de Chambériennes ou de Chambériens renoncent aujourd’hui à déposer un dossier de demande de logement locatif social, sachant qu’ils n’ont dans le contexte actuel aucune chance d’en obtenir un dans des délais raisonnables. Plutôt que de s’attaquer au mal en engageant les programmes de construction nécessaires, les organismes sociaux n'ont d’ailleurs aujourd'hui d'autre politique que de casser le thermomètre, puisqu'ils sont en train de mettre en place un nouveau fichier des demandeurs de logements sociaux qui, en permettant de radier un certain nombre de demandes jugées indues, devrait améliorer les statistiques en diminuant artificiellement le nombre de demandeurs insatisfaits.

Par ailleurs, alors que les prix de l’immobilier sont un peu partout orientés à la baisse, la situation sur l’agglomération reste extrêmement tendue, en raison d’une offre très insuffisante. Ainsi, malgré la crise, les données publiées par les agences immobilières montrent que le prix du m2 à la vente aurait augmenté de 15 % sur les 3 dernières années à Chambéry et se situerait aujourd’hui autour de 2400 euros le mètre carré. De tels niveaux de prix entretiennent la hausse régulière des loyers, dont le montant moyen vient de dépasser le seuil de 11 euros/m2 à Chambéry selon les chiffres de la FNAIM : dans le secteur privé, il est ainsi devenu pratiquement impossible de louer un logement de 60 m2 à un prix inférieur à 600 euros par mois.

Dans un contexte de gel des salaires et de croissance du chômage, alors que le parc locatif social est sous-dimensionné par rapport aux besoins, ces loyers sont aujourd’hui inabordables pour une part croissante des familles. Particulièrement inquiétant est l’augmentation du nombre des expulsions locatives qui ne cesse de croître. Les statistiques publiées par Chambéry métropole font froid dans le dos : en 2010, dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, pas moins de 610 familles de l’agglomération ont été assignées en justice et 283 d’entre elles ont reçu un commandement de quitter les lieux. On ne peut qu’être particulièrement scandalisé de savoir qu’une grande part de ces expulsions provient des organismes sociaux, dont on pourrait penser qu’ils devraient avoir une autre vocation que de mettre chaque année des dizaines de familles à la rue. En la matière, le constat pourtant s’impose : Thierry Repentin, président de l’OPAC Savoie, et Bernadette Laclais, présidente de l’OPAC Chambéry, mènent exactement la même politique et n’hésitent pas à faire expulser des familles (55 % des expulsés ont en effet des enfants à charge), privilégiant la gestion financière à la vocation sociale des organismes publics qu’ils président.

De plus, les données publiées par Chambéry métropole montrent que le parc actuel est de plus en plus sous-employé. Selon les chiffres des services fiscaux, l’agglomération chambérienne comptait en 2011 pas moins de 2166 logements vacants, durablement et totalement inoccupés, ce qui représente une hausse de 29,3 % en seulement 4 ans ! Ces éléments sont à prendre en considération pour juger de la politique que la municipalité chambérienne a adoptée durant ce mandat envers les squats : alors que le nombre de logements vacants explose, était-il vraiment nécessaire de rassurer leurs propriétaires en faisant expulser en plein hiver les squats des Pilos et de l’Hôtel Morand, d’autant que ces locaux sont restés inoccupés plusieurs années après que leurs occupants ont été jetés à la rue ?

Quoiqu’il en soit, tous les progressistes devraient au moins se rassembler sur un constat simple : à l’heure où un nouveau PLH doit être adopté, il faut mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard qui a été pris ces dernières années. Malheureusement, force est de constater que telle n’est pas l’intention de Chambéry métropole, qui a décidé de revoir à la baisse les objectifs de son prochain PLH. L’ampleur de la rupture est manifeste : alors que le précédent PLH se fixait l’objectif de 1250 constructions de logement par an dans l’agglomération, le prochain PLH ne vise en effet plus que 900 logements par an ! En d’autres termes, Chambéry métropole change brutalement de cap et s'oriente désormais vers une politique du logement rare, avec toutes les conséquences qu’il va en résulter. Les orientations prises par le PLH vont en effet  contribuer au développement de la bulle immobilière et donc accroître encore un peu plus les galères de logements que des milliers de familles rencontrent aujourd’hui dans notre agglomération.

Une nouvelle fois, Laclais mérite une mention spéciale, puisqu’elle a pesé de tout son poids dans cette direction, exigeant en particulier que Besson réduise à la baisse les objectifs spécifiques fixés par le PLH à la ville de Chambéry. Alors que dans le dernier PLH, la ville de Chambéry était censée construire 2500 logements sur 6 années, Laclais a obtenu que cet objectif soit abaissé à 1400 constructions pour le nouveau PLH, autrement dit à une moyenne de seulement 233 logements par an ! Par ailleurs, alors que Besson souhaitait initialement que chaque commune soit contrainte à affecter au moins 25 % de ses constructions au logement locatif social, Laclais a obtenu que Chambéry puisse y déroger et n’ait pour objectif que d’atteindre le seuil de 20 %. Il n’est donc pas besoin d’attendre le programme de Laclais pour connaître la politique qu’elle entend suivre dans son prochain mandat en matière de logement social : d’ores et déjà, Laclais a obtenu que la ville de Chambéry n’ait d’autre contrainte pour le prochain mandat que de construire 46 logements locatifs sociaux par an, autrement dit quasiment rien.

S’il ne fait bien évidemment aucun doute que le nouveau PLH sera adopté par le prochain conseil communautaire de Chambéry métropole - et qu’il le sera même comme à chaque fois à l’unanimité et sans débats -, il est évident qu’il nous faut dénoncer cette politique du logement. Cette diminution annoncée des objectifs du PLH, qui n’est en dernière analyse que la traduction concrète des politiques d’austérité, aura en effet de très importantes conséquences pour les populations. Dans un contexte de croissance démographique de l’agglomération, alors que de très nombreuses familles peinent à se loger, l’agglomération devrait pourtant se doter des moyens de construire les logements nécessaires pour en finir avec cette absurde bulle immobilière, qui appauvrit l’ensemble des familles et détruit les plus modestes.

Pour notre part, nous considérons qu’il est absolument indispensable que le prochain PLH conserve l’objectif de 1250 constructions par an qui était celui du précédent PLH. Dans le même temps, nous proposons de résorber le déficit des 2500 constructions qui n’ont pas été réalisées par le dernier plan. C’est pourquoi, nous proposons que le prochain PLH se donne pour objectif la construction de 10 000 logements en 6 ans. Par ailleurs, nous demandons aussi que les communes de l’agglomération adoptent un moratoire sur les expulsions locatives, car il n’est pas acceptable au XXIe siècle que des centaines de familles de l’agglomération soit jetées chaque année à la rue. Enfin, nous demandons que les maires fassent appliquer la loi de réquisition des logements inoccupés, car il est inacceptable que des familles ne puissent se loger pendant que des milliers de logements restent durablement vacants.